Balades Romantiques
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 Rose vénéneuse

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Rosetta von Fersen
Coeur tendre
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Rosetta von Fersen


Nombre de messages : 111
Date d'inscription : 07/11/2005

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MessageSujet: Rose vénéneuse   Rose vénéneuse EmptyVen 9 Déc - 22:25

ROSE VÉNÉNEUSE


La pluie n'avait cessé de tomber depuis trois jours. C'en était insupportable. Pourtant, refugié dans une taverne, le moral d'un homme n'avait jamais autant ressemblé à cette incessante contrariété divine. Il était assis là depuis quelques temps déjà. Il avait tenté de noyer son chagrin dans la boisson. Puis, dans le sombre coin où il avait pris place, un homme était venu et s'était invité à sa table. Il n'y en avait plus d'autre de libre.
Les deux hommes se considerèrent un moment en silence. L'un était âgé, l'autre jeune et robuste. Le plus âgé était celui qui venait d'arriver. Il s'était procuré une bouteille au comptoir en passant et s'était servi un verre, toujours dans ce même silence, jaugeant celui qui lui faisait face. Le plus jeune des deux, celui dont le moral était au plus bas, était grand, et l'autre s'en serait rendu compte s'il l'avait vu debout. Ses cheveux étaient d'un beau brun, mais quant à ses yeux nul ne pouvait en distinguer la couleur car il les gardait obstinement baissés.
Ce fut le plus âgé qui rompit en premier le pesant silence.
- Eh bien, l'ami, je vois que tu as des malheurs. Je le sens, crois-moi, mais qui n'en a pas ?
L'autre ne répondit pas. Il n'était pas prêt. Il vida d'un trait son verre, mais son geste fut si rapide qu'on eut dit qu'il n'avait jamais levé la tête. Il faisait fi de l'animation qui commençait à se faire sentir derrière lui. En effet, près du comptoir, des hommes en uniforme d'apparence frustres en venaient aux mains. Quelques chaises furent renversées, quelques bouteilles brisées, mais ce fut vite fini.
Enfin, le plus jeune prit la parole, les yeux toujours baissés. Dehors, la pluie redoublait d'intensité et battait les carreaux. L'enseigne de la taverne remuait de droite à gauche, sous la force du vent. Ses charnières grinçaient comme un navire que l'on arrime à quai.
- Tu sens bien, vieil homme. Il m'arrive de croire que tout est vain, que ma vie est vaine et ne vaut plus la peine d'être vécue. Tu ne seras pas étonné d'apprendre qu'il y a une femme là-dessous. Oh, je sais, c'est une histoire banale. Une femme belle à en mourir, une femme pour laquelle un fou se damne. Oui, mon histoire est banale, mon histoire est celle de l'homme qui a un jour aimé. Qui a un jour aimé sans l'être en retour.
S'apercevant que son interlocuteur ne lui répondait pas mais l'écoutait avec attention, il poursuivit, étonné de se sentir soulagé. Il ne s'était jamais confessé à un prêtre. Pourtant, dans cette taverne, entre les bouteilles et les verres que les soldats avaient brisés plus loin, il en éprouva le besoin. Était-ce ce que l'on ressent au moment de mourir, lorsque l'on croit nécessaire de recevoir l'extrême onction, de se confier une dernière fois pour expier ses
fautes ? Ah, des fautes ! Il en avait commises, bien sûr.
- Vois-tu, vieil homme, sais-tu ce que c'est d'être une ombre, une ombre uniquement douée de vie pour servir ?
Le vieil homme fit non de la tête. De cela, il n'en avait aucune idée. Il savait être l'ombre de lui-même, mais l'ombre d'autrui, il ne savait pas ce que c'était.
- C'est ce que je suis devenu au fil des années. L'ombre, son ombre, l'ombre de cette femme, de cette rose. Je l'aime de toutes mes forces et je me sais capable de tout, du meilleur comme du pire, pour elle, pour un sourire d'elle. Oh non, je n'attends rien en retour, en tout cas j'essaye de m'en convaincre. Un sourire d'elle me suffit ? Et pourtant je ne m'en contente plus. Devrais-je mourir pour elle ? Et connaîtra-t-elle la portée de mon geste ? Si elle me l'ordonne, je porte ma vie en sacrifice pour ses intérêts. Si elle me l'ordonne, j'enfonce un poignard dans ma poitrine si c'est ce qu'elle veut. Quoi qu'elle ordonne, j'obéirai.
Il considéra son verre vide. La bouteille l'était également. Combien de temps lui avait-il fallu pour boire cela tout seul ? Il ne le savait pas. Il avait oublié. Il n'avait plus aucune notion du temps.
- Je suis celui qui veille jalousement sur elle, je suis celui qui assume pour elle. Je suis celui qui me tiens en retrait lorsqu'il le faut, lorsqu'elle l'ordonne, et qui agis de même. Elle se sert de moi, j'en suis pleinement conscient, mais comment te dire que j'aime cette servitude ? Ah que ne suis-je son esclave ! Qu'elle me fasse fouetter, je serais encore ivre de bonheur. Mais alors... Pourquoi cette tristesse en moi ? Pourquoi cette insondable impression qu'elle fait mon malheur ? Qu'elle prépare et mon malheur et le sien ? Qu'elle nous perdra tous deux en se perdant elle ? Que je la perdrai de même ?
Les soldats ivres étaient partis. Les autres, ivrognes invétérés ou voyageurs de passage, également.
- Oh, ma rose ! Cette femme est une rose dont je ne mérite pas les pétales. Mais une rose vénéneuse, cependant. Rose vénéneuse, dont je dois me défier du poison. Elle se sert de moi mais j'aime cela. Qu'elle se détourne et j'en mourrai. Pourtant je voudrais ne plus être un simple jouet entre ses mains. Je voudrais être un homme libre. Je voudrais qu'elle m'aime, tout simplement. Être son égal même si je n'ai pas son intelligence, être son égal malgré toute chose. Elle m'utilise sans m'aimer... la rose vénéneuse aux mortels augures...
Il se leva enfin et quitta la taverne alors que les premières lueurs de l'aube faisaient leur apparition. Une bien faible apparition, des lueurs bien blafardes sous la pluie. Il quitta sans mot dire le Ye Olde Cheshire Cheese, 145 Fleet St., un pub reconstruit en 1667 après le Grand Incendie de Londres. Il devait dormir quelques heures avant d'accomplir la mission qui l'avait mené en Angleterre. Il devait négocier les diamants du collier... Les diamants que Jeanne et lui-même avaient séparé de la parure originelle...

FIN.
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