Balades Romantiques
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 Rosalie ou l'odieuse substitution

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Rosetta von Fersen
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MessageSujet: Rosalie ou l'odieuse substitution   Rosalie ou l'odieuse substitution EmptySam 10 Déc - 21:56

Pour la Comtesse de Laney, en hommage à "Mon coeur est pur" dont il s'agit de la suite.

Chapitre I


Le carrosse qui emportait Rosalie vers sa nouvelle vie parcourut quelques lieues avant d'arriver devant une magnifique demeure. Pendant tout le trajet, un pesant silence avait tenu lieu de conversation entre la mère et la fille retrouvée. Madame de Polignac, la partie inférieure du visage dissimulée derrière son éventail, savourait tranquillement la réussite de la petite manigance qui avait conduit Rosalie à la suivre. Elle avait alors bon espoir de voir ses projets se réaliser. Il fallait bien sûr dompter cette jeune fille rebelle qui avait par deux fois voulu attenter à sa vie, mais cette fois elle devrait plier devant sa volonté. A présent elle était sa mère, et Rosalie n'aurait d'autre choix que d'obéir. Un léger rire de gorge se fit entendre, mais cela ne fit pas réagir la jeune fille assise à ses côtés. En montant en carrosse, Rosalie avait longuement laissé errer son regard emplis de larmes sur la vitre de la portière, de sorte qu'elle tournait le dos à cette femme que jamais elle ne pourrait considérer comme sa mère. Elle n'avait pas eu le loisir de suivre des yeux le château Jarjayes s'éloignant à sa vue, car Mme de Polignac avait fait aller la voiture bon train. L'attelage n'avait un peu ralenti qu'une fois à bonne distance. Les larmes de Rosalie parsemaient en abondance ses joues. "Oh, mon cher Oscar ! Vous reverrai-je un jour ?" songeait-elle. "Et toi, Jeanne, ma soeur, es-tu encore de ce monde ? Puisses-tu me pardonner ma trahison..."

C'était une demeure magnifique que les Polignac possédaient à la campagne, tout près de Versailles. Mme de Polignac, en tant que gouvernante des Enfants de France, résidait à la Cour, mais elle jugeait préférable de ne pas y conduire encore Rosalie. La jeune fille avait été présentée à la Reine au cours d'un bal, et le colonel de Jarjayes lui avait fait donner l'éducation qui convenait, mais elle n'était pas encore prête pour y résider. Il y avait surtout une autre raison. Mme de Polignac avait soigneusement caché l'existence de sa première fille. Il faudrait expliquer l'irruption de Rosalie dans sa vie. Elle ne pouvait la présenter en tant que parente, si elle voulait mener à bien ses projets, aussi devait-elle faire accepter Rosalie le plus rapidement possible, mais en douceur. Et pourtant ! N'était-elle pas la favorite de la Reine ? N'était-elle pas l'ange à qui l'on accorde tout ? Elle imposerait sa fille à la Cour ! Elle venait de trouver quel conte de son invention elle réserverait à la crédulité de Leurs Majestés. Rosalie, son enfant à la santé fragile qu'elle avait été obligée de confier à une parente qui vivait en Languedoc, la sénéchaussée d'où était originaire la famille de Polignac. Son enfant qui avait été élevée au couvent. Son enfant qui venait pour la première fois à Versailles... Mais la Reine avait déjà vu Rosalie, elle lui avait été présentée comme une parente éloignée de la famille de Jarjayes... Alors Mme de Polignac inventerait une généologie si compliquée qu'elle ferait se coïncider les arbres des deux familles même si cela était impossible ! Elle ferait de sa fille Rosalie une parente éloignée des Jarjayes ! Ce n'était pas bien difficile de truquer un arbre généalogique, surtout lorsque l'on voulait seulement créer une parenté fort éloignée. A son tour, comme Oscar l'avait fait pour elle, elle irait consulter les Archives royales et les livres de la noblesse. Ou plutôt elle confierait ce travail à sa belle-soeur, la Comtesse Diane. Une petite intrigante sans scrupule qui ne demanderait pas mieux. Tout serait arrangé sous peu...

Rosalie descendit de carrosse à la suite de Mme de Polignac. Elles entrèrent dans la demeure. Elles y seraient seules parmi toute une armée de domestiques. Les Polignac avaient su habilement tirer partie de l'immense faveur dont jouissait leur belle-soeur Jules. Ils résidaient à Versailles, et accumulaient les postes, les pensions et les honneurs. Mme de Polignac avait reçu le titre de Duchesse, ce qui lui donnait droit à un tabouret dans les appartements de la Reine tandis que les autres dames devaient demeurer debout.
- Eh bien, Rosalie, venez donc avec moi !
Bien malgré elle, Rosalie n'avait pu s'empêcher de demeurer en arrière dans le vestibule, admirant la beauté des ornements. En entendant la voix de sa mère, elle revint à la réalité et se souvint qu'elle s'était jurer de ne pas se laisser émouvoir. Elle l'avait suivie pour qu'elle ne fasse pas soupçonner Oscar d'indulgence envers Jeanne de la Motte, non par devoir filiale.
- Voici vos appartements et voici vos servantes, ma fille.
Elles étaient arrivées au premier étage, et Mme de Polignac s'était fait ouvrir l'une des portes.
- Eh bien, Rosalie...
La jeune fille fit un effort. Pour sauver Oscar, elle avait choisi de sacrifier son amour-propre et sa jeunesse. Elle devait aller jusqu'au bout.
- Je vous remercie, Madame.
- Allons, appelez-moi "mère" !
- ... Bien, mère...
"Maman", elle ne l'aurait pas pu. Elle n'avait eu qu'une seule maman, celle qui l'avait recueillie, élevée et aimée de tout son coeur. Par chance, ce mot n'était pas utilisé dans la noblesse. Charlotte, son infortunée petite soeur, le lui avait dit au bal de Madame Élisabeth. "Maman ?! Quelle singulière façon de nommer celle qui vous a donné le jour !" Rosalie s'en souvenait fort bien.

"Ma pauvre Charlotte, ma pauvre petite soeur..." Les pensées de Rosalie quittèrent provisoirement Oscar et Jeanne. Charlotte... La jeune fille avait pris sa place. Elle était là pour la remplacer. Elle ne pouvait croire que Mme de Polignac l'aurait accueillie chez elle si Charlotte n'était pas morte. Non, cette femme ne pouvait y avoir songé avant. Elle la croyait dépourvue d'instinct maternel. D'ailleurs elle lui avait dit qu'elle se sentait fort seule sans Charlotte. Elle voulait que Rosalie vive auprès d'elle car elle était sa fille, mais, à moins qu'il ne s'agisse d'être en règle avec le Très-Haut et de gagner son Salut, c'était surtout parce qu'elle voulait combler sa solitude. La jeune fille avait alors un espoir, celui de ne voir que fort rarement cette femme dont elle avait voulu la mort et qu'elle avait seulement appris à moins haïr. Elle pensait que lorsque celle-ci se trouvait à Versailles elle était suffisamment occupée, emportée par mille plaisirs, pour éprouver le besoin d'une autre compagnie que celle de la Reine, de ses amies, de ses amants. Rosalie pensait demeurer seule dans cette demeure, et n'être là que pour être une présence lorsque Mme de Polignac viendrait de temps à autre prendre quelque repos. Si elle avait raison, la vie lui serait supportable. Mme de Polignac aimait bien trop la vie de Cour pour rester ici. Elle ne la verrait probablement que fort peu.
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MessageSujet: Re: Rosalie ou l'odieuse substitution   Rosalie ou l'odieuse substitution EmptyVen 23 Déc - 23:04

Chapitre II


Quelques mois s'étaient écoulés depuis que Rosalie avait suivi Mme de Polignac. A son grand étonnement, cette dernière était restée auprès d'elle et lui avait fait donner une excellente éducation pour compléter celle, déjà remarquable, que le colonel de Jarjayes lui avait dispensée. Rosalie ne comptait plus les leçons de danse, de diction, de maintien, de musique, mais aussi d'étiquette, car Mme de Polignac lui avait fait apprendre le protocole de Versailles car bientôt elle devrait y vivre avec elle. Cela avait été une surprise sans nom pour l'ancienne fille du carreau du Temple. Vivre à la Cour ! Elle s'était déjà rendue à quelques bals, elle avait rencontré la Reine, mais vivre à la Cour ! Elle savait les Polignac puissants, mais elle n'imaginait pas y vivre elle aussi. Depuis son arrivée, elle n'avait vu personne d'autre que sa mère et toutes ces personnes qui lui donnaient des leçons. Jamais le Duc de Polignac ou un membre quelconque de la famille, si l'on pouvait dire "quelconque" ! Elle se demandait ce qu'ils penseraient d'elle, s'ils connaissaient son existence.

Oui, ils la connaissaient. Mme de Polignac avait su habilement convaincre Leurs Majestés de sa fable. Rosalie serait accueillie comme fille légitime. Quant à sa famille, elle seule connaissait la vérité. Sachant quel projet était dissimulé derrière ce nouvel amour maternel, le secret serait bien gardé et Rosalie adoptée. Le Duc de Polignac n'avait pas hésité à accepter cette étrange et toute nouvelle paternité. Quant à la Reine... Elle avait été enchantée d'apprendre que Rosalie était la fille de son amie, et que par conséquent Oscar et les Polignac étaient parents ! Cette absurdité lui parut une évidence, elle ne demanda pas de justifications. Elle avait oublié l'esclandre qui avait eu lieu au bal où Mme de Polignac avait accusé Rosalie d'être une mendiante. Mademoiselle Rosalie de Polignac était attendue avec impatience à Versailles.

La jeune fille ne s'était pas reniée au cours de ses mois. Sans oser le demander, elle souhaitait plus que tout des nouvelles d'Oscar. Elle avait appris ce qu'il était advenu de Jeanne ; elle l'avait sincèrement pleurée... mais tout naturellement en cachette. Mais... Mais elle ne pouvait nier être heureuse malgré elle. Comme l'on se fait vite à vivre dans une belle demeure, à se promener dans de beaux jardins, à être choyée ! Tout en se défiant de sa mère, elle commençait à baisser sa garde. Non pas qu'elle oublia ce qu'elle avait fait, qu'elle oublia la misère du peuple, qu'elle oublia la bonté du colonel de Jarjayes... Point du tout que cela ! Mais elle voulut faire contre mauvaise fortune bon coeur et apprendre à profiter de ce qu'on lui donnait sur l'instant. Elle recevait une bonne éducation, elle mangeait très largement à sa faim, elle ne pouvait décemment se plaindre de jouir d'une vie dorée que tant aurait voulu. Rosalie se laissait peu à peu griser par cet univers. Elle avait gardé les pieds sur terre au château Jarjayes car elle était là pour venger sa maman, et elle partageait le quotidien d'André Grandier, le valet, et d'Oscar, "la dame soldat" si pleine de générosité et si attentive. Chez Mme de Polignac les choses étaient différentes. Elle était plongée dans l'univers de la haute aristocratie, bien qu'elle ne fut point menée à Paris dans un salon, à l'opéra ou en compagnie et qu'elle ne vit personne. Au bout de quelques semaines, lorsque sa femme de chambre venait l'habiller et la coiffer en l'appelant "Mademoiselle de Polignac", le coeur de Rosalie se gonflait d'une étrange fierté. Parfois, la jeune fille ne se reconnaissait plus. Il lui arrivait même de se détester. Elle pleurait alors durant d'interminables nuits. Elle s'acusait de trahir tous ceux qui l'avaient aimée et aidée. Mme Lamorlière, ce jeune homme du nom de Bernard Châtelet, Oscar et André... Elle pensait que sa trahison était sa punition pour avoir livrée Jeanne à la justice du Roi, ou tout au moins à la répression des soldats, en laissant à Oscar la lettre où sa soeur lui révélait le lieu de sa cachette. Sur ce point, Rosalie ignorait que quelqu'un d'autre l'avait trahie. Cependant... Le plus souvent Rosalie était heureuse.

Le jour du bal arriva enfin. Mme de Polignac ne cessait d'en parler avec animation car il devait sceller l'arrivée officielle de sa fille à la Cour. Elle ne pouvait cacher un sourire de satisfaction en la voyant plier peu à peu, et même étonnamment vite. Maintenant Rosalie l'appelait "mère" sans aucune note d'agressivité dans la voix. Elle avait dû comprendre qu'elle n'avait d'autre choix que de s'y faire, qu'elle y avait des intérêts. Rosalie serait docile, elle pourrait mettre en oeuvre son grand projet avec bien moins de difficultés qu'elle le pensait.
- Mademoiselle de Polignac est prête, dit la femme de chambre dans une révérence.
La jeune fille était comme transfigurée dans la robe somptueuse que Rose Bertin avait fait spécialement pour elle. Mme de Polignac avait fait de savants calculs. Une robe somptueuse pour éblouir les courtisans et un en particulier, mais point trop non plus pour ne pas être désagréable à la Reine qui seule voulait donner le ton.

La galerie des glaces étaient brillament illuminée. Le colonel de Jarjayes se tenait dans l'embrasure d'une fenêtre. Son regard semblait perdu dans un songe tout en donnant l'impression de fixer le bassin de Lattone, en contre-bas. Oscar, habituellement si rigide dans sa manière d'accomplir son devoir, délaissant la frivolité des bals pour ne penser qu'à surveiller ce qui se passait autour d'elle, était distraite, ce soir-là. Elle savait que Mme de Polignac allait faire son retour à la Cour en compagnie de sa fille Rosalie. Chacun murmurait qu'elle s'était contentée depuis plusieurs mois d'écrire à la Reine sans la voir et que Sa Majesté en avait eu beaucoup de chagrin. Oscar se méfiait. Si Mme de Polignac s'était éloignée de la Reine pour rester auprès de Rosalie, cela ne pouvait être que dans un but certain. Elle ne pouvait imaginer cette femme prenant le risque de perdre sa faveur au profit d'une autre dans le seul but d'assumer son rôle de mère. Et que signifiait ce que tous disaient ? Que Rosalie étaient bien liée aux Jarjayes tout en étant la fille légitime de Mme de Polignac ? Oscar avait dû faire appel à toute la maîtrise dont elle était capable lorsqu'un groupe de dames l'avait entourée et lui avait demandée si elle était vraiment parente des Polignac. Oscar avait trouvé un prétexte pour leur fausser compagnie, mais elle n'avait guère aimé être mêlée à tout cela. Elle comprenait bien que cette femme ait besoin de concilier tout ce qui avait été inventé sur Rosalie pour ne pas la présenter comme une mendiante, mais Oscar aurait préférée qu'elle trouve tout de même autre chose. La Reine elle-même l'avait fait venir spécialement pour lui faire part de sa joie. Elle l'avait reçue en audience privée et s'était exclamée "Comment donc, colonel, vous nous aviez caché votre parenté avec Mme de Polignac !" Oscar aurait été fort abassourdie si elle n'avait pas déjà eu connaissance de l'invention de cette sorcière. Et la Reine avait poursuivi en disant "Mes deux amis, liés par le sang ! Quel bonheur !" Cela était si ridicule qu'Oscar s'attendait à tout moment à ce que la Reine ne leur suppose aussi un lien de parenté avec le Comte de Fersen pour faire bonne mesure ! Si la Reine ne tenait pas tant à ce que celui qui se trouvait par amour pour elle aux Amériques depuis maintenant si longtemps demeure célibataire, elle lui aurait peut-être fait épouser Rosalie !

Peu de temps après l'arrivée de la Reine, dans un laps de temps soigneusement calculé, Madame et Mademoiselle de Polignac furent annoncées.
- Madame la Duchesse de Polignac et sa fille !
Tous les regards se tournèrent comme un seul vers le côté du salon de la guerre, l'endroit où elles parurent. Des murmures admiratifs s'élevèrent de toute part pour saluer la beauté et l'élégance de Mademoiselle.
- Mademoiselle de Polignac, dit la Reine avec bonté, je suis enchantée de vous revoir. J'ose espérer que vous vous plairez parmi nous et que vous ne nous quitterez plus, n'est-ce pas ?
Mme de Polignac jubilait derrière son éventail. Elle chercha quelqu'un des yeux, le vit, mais n'alla pas le rejoindre. Elle suivit la Reine qui avait tant de choses à dire à son amie et qui allait sans doute, en larmes, la supplier de ne plus jamais l'abandonner.
- Mademoiselle de Polignac...
Rosalie se retourna. Elle avait été entourée par un groupe de dames fort curieuses auxquelles elle répétait l'histoire extravagante inventée par sa mère. Elle donnait des détails sur son enfance en Languedoc, province où elle n'avait jamais mis les pieds, et ses jeunes années au couvent. Elle avait soigneusement préparé tout cela et s'en tirait à merveille.
- Colonel de Jarjayes !
L'occasion était trop belle de se retirer. Le colonel de Jarjayes, un parent ! Oscar et Rosalie se retrouvèrent donc près de cette fenêtre où le colonel s'était appuyée plus tôt.
- Oscar ! Mon cher Oscar !
La jeune fille se sentait envahir de larmes de joie.
- Vous me manquez tant ! Oh, mon cher Oscar ! Que vous me manquez !
- Comment allez-vous, Mademoiselle de Polignac ? Bien, j'espère...
- Pour vous je serai toujours Rosalie, Oscar ! C'est toujours moi !
Disant cela, elle songea à tous ces changements récents dans sa vie. Elle eut à nouveau cette angoisse de devenir une autre lorsqu'elle se sentait heureuse et qu'elle était réellement Melle de Polignac. Alors les larmes de joie devinrent peu à peu larmes de repproches, de tristesse et de regrets.
- Rosalie, mais tu pleures ! Tu es donc bien malheureuse, je m'en doutais ! Pourquoi l'as-tu suivie ? Notre maison t'es ouverte, Rosalie !
- Non, Oscar, vous vous trompez ! Je suis heureuse auprès de ma mère ! Je suis heureuse !
Elle avait dit cela dans un sanglot. Se détournant, elle essuya rapidement ses larmes et s'enfuit. Son émotion n'était pas passée inaperçue, mais on la mit sur le compte des retrouvailles.
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MessageSujet: Re: Rosalie ou l'odieuse substitution   Rosalie ou l'odieuse substitution EmptyJeu 29 Déc - 21:53

Chapitre III


Rosalie se sentait légère comme un papillon. Mais elle avait conscience d'être un papillon voletant sans cesse près de la flamme de la bougie. Elle avait quitté son cher Oscar en larmes, se repprochant une nouvelle fois son ingratitude envers ceux qu'elle savait ses amis véritables. Puis elle s'était calmée rapidement. La musique de l'orchestre, la galerie et les salons attenants brillamment illuminés, les tourbillonnements des robes à paniers... Rosalie s'était laissée emporter comme jamais elle ne l'avait été lorsqu'elle s'était rendue à des bals en compagnie d'Oscar. En cette époque, qui lui semblait déjà si lointaine mais qui ne l'était pas, où elle traquait l'assassin de sa maman. Puis Mme de Polignac revint de chez la Reine, dont chacun avait remarqué le départ du bal, et décida qu'il était temps de se retirer. Il était encore tôt, mais elle voulait que Rosalie découvre ses nouveaux appartements. Lorsque la jeune fille quitta la grande galerie, elle ne remarqua pas cet homme qui la suivait du regard.

C'était un enchantement ! Ces appartements étaient somptueux comme on n'en put rêver plus beaux ! Assurement Mme de Polignac pouvait être satisfaite. Rosalie était littéralement subjuguée en entrant dans les pièces magnifiques qui faisaient suite à celles occupées par sa mère. Oui, elle se sentait légère comme un papillon. Mais un papillon voletant sans cesse près de la flamme de la bougie, car son sommeil fut fort agité. Elle venait de réaliser qu'elle se trouvait dans les appartements de Charlotte. La pauvre Charlotte. Et comme chaque fois, lorsqu'elle pensait à sa soeur infortunée, Rosalie se laissait aller à la mélancolie et aux larmes. Et avec son chagrin le sentiment qu'elle n'était qu'une ingrate revenait sans cesse avec les visages de Jeanne, d'Oscar, de Nicole Lamorlière, de Bernard Châtelet. Ils s'écoulèrent ainsi quelques semaines ponctuées de bals et de mille plaisirs qu'elle découvrait peu à peu, alternés de bonheur et de mélancolie. La mélancolie l'atteignait lorsqu'elle croisait le regard d'Oscar.

Cela faisait à peine un peu plus d'un mois que Rosalie résidait à la Cour. Mme de Polignac vint un matin assister à sa coiffure. Elle commença par ne guère prêter attention à ce qu'elle lui disait, car c'était habituellement des banalités : le mauvais temps qui allait troubler la fête de Trianon, les hémorroïdes de Monsieur, ... La jeune fille jouait distraitement avec son collier de perles qu'elle tenait entre ses mains en attendant qu'on le lui attache.
- ... et monsieur le Duc est impatient de faire votre connaissance ! Ces fleurs qu'il vous a fait porter ne sont-elles pas ravissantes ?
Les fleurs... Oui, des roses magnifiques trônaient sur la cheminée. Rosalie s'était extasiée devant leur beauté. Monsieur le Duc... Mais que signifiait cela... ? Le coeur battant la chamade, comme pressentant quelque chose, Rosalie attendait une explication.
- Eh bien, Rosalie, que vous voilà surprise ! C'est un très grand honneur que vous fait monsieur le Duc !
- Mère... Je... Je ne comprends pas...
- Enfin, il est grand temps que vous preniez un époux !
Le collier de perles se brisa sur le sol lorsque les mains tremblantes de Rosalie le laissèrent échapper.

Depuis deux jours Rosalie demeurait obstinement enfermée dans sa chambre. Elle n'avait pu se soustraire à la visite du Duc de Guiche. Cet homme méprisable et effrayant qui avait terrorisé Charlotte au point de la conduire à commettre le péché du suicide. Cet homme au regard fourbe et cruel, âgé d'une cinquantaine d'années, immense, cet homme qui l'avait dévisagée avec lubricité.
Rosalie avait fait appel à toutes ses forces pour supporter de lui donner sa petite main à baiser. Le sentiment de répulsion qui l'avait habité dès l'instant où elle le vit ne la quittait désormais plus. Après la visite, elle avait courut s'enfermer dans sa chambre d'où elle n'était plus ressortie. Mme de Polignac l'avait laissée agir à sa guise, se moquant de son chagrin à l'idée d'épouser cet homme. Pas une seule fois elle ne vint s'enquérir de ses nouvelles. C'était comme si elle était persuadée qu'il n'arrivait pas deux fois la même chose, que Rosalie n'attenterait pas à sa vie comme l'avait fait Charlotte. Qu'elle finirait par sortir de la chambre d'elle-même, repentante et soumise.

Mais Rosalie avait reçu avec la visite du Duc le choc qu'il lui fallait. Le choc nécessaire pour qu'elle put retrouver ses esprits. Elle s'était surprise à devenir une Polignac ; assurement c'était vendre son âme au diable. C'était réduire à néant tous les sacrifices que sa chère maman avait jadis fait pour elle. Elle venait de comprendre avec horreur ce que cachaient les bontés feintes de Mme de Polignac. Elle n'était à ses yeux qu'un jouet de substitution pour allier le Duc de Guiche à cette famille d'intrigants. Oui... Elle était victime d'un projet de substitution. Elle n'était là que pour remplacer la pauvre Charlotte. La mort de la malheureuse n'avait-elle donc rien appris à Mme de Polignac ? Rosalie s'en voulut d'avoir cru ne serait-ce qu'une seule minute qu'elle lui voulait du bien sans rien attendre en retour qu'un peu de compagnie. Elle n'était que l'objet d'une odieuse substitution.
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MessageSujet: Re: Rosalie ou l'odieuse substitution   Rosalie ou l'odieuse substitution EmptyLun 2 Jan - 12:08

Chapitre IV


Tout était silencieux. Le vent qui avait frappé violemment les fenêtres pendant toute la journée s'était même tû. Même Rosalie ne pleurait plus. Non... Plus rien qu'un lourd et pesant silence. Bien plus terrible encore que celui qui avait accompagné la jeune fille en la demeure de Mme de Polignac. Le silence qui avait accompagné une nouvelle fois l'infortunée, car celle-ci ne se trouvait plus à Versailles. Devant son mutisme, qui l'avait pendant quelques jours laissée froidement indifférente, Mme de Polignac avait pris la décision de retourner dans sa demeure campagnarde. Rosalie refusait les bals, les courtisans commençaient à murmurer. Bien sûr, le projet de Mme de Polignac n'était plus ignoré. Chacun savait que Rosalie devait très bientôt être officiellement fiancée au Duc de Guiche. Mais Mme de Polignac, craignant quelque rébellion de la part de sa fille, avait jugé préférable de se retirer un peu.

Les fiançailles... Les fiançailles de Rosalie... Oscar en avait entendu parler comme tout un chacun. Son coeur saignait devant ce sort qui attendait son amie, mais qu'y pouvait-elle ? Elle n'avait pu aider Charlotte lorsque celle-ci avait sollicité son appui. Elle avait assisté, impuissante, à sa mort. Aider Rosalie... Mais
comment ? Non, Oscar ne pouvait intervenir, quelque envie qu'elle en eut. De quel droit vouloir empêcher un mariage qui serait parfaitement légal ? Rosalie était-elle la première jeune fille contrainte à accepter son sort ? Elle ne le pouvait pas. Il est des choses contre lesquelles on ne peut rien faire, quelque volonté qu'on en ait. Oscar devait se résoudre à croire en la vaillance de Rosalie qui avait prouvé plusieurs fois sa volonté de vivre et de survivre à toutes les épreuves. Elle ne commettrait pas l'irréparable comme Charlotte. C'était déjà cela. Avec le temps, peut-être... Oscar se surprit à souhaiter qu'un jour le Duc soit victime d'un accident de chasse. Peut-être la Providence, dans son infinie Miséricorde, accorderait-elle à la jeune fille un veuvage rapide...

Rosalie s'était peu à peu apaisée depuis qu'elle se trouvait de nouveau au calme, dans cette demeure, loin de l'agitation du palais. Elle pouvait réfléchir calmement à ce qui se présentait devant elle. Ce fut rapide, il n'y avait que trois choix. Elle pouvait se plier aux exigences de sa mère et épouser le Duc. Elle se repprocha sa naïveté pour avoir pensé que jamais elle ne se trouverait à prendre époux selon les règles du mariage arrangé. Pënsait-elle qu'en tant que Melle de Polignac elle serait libre s'épouser qui bon lui semblerait ? Elle aurait dû sentir le piège se refermer sur elle. Charlotte n'avait que onze ans alors qu'elle était plus âgée. Elle aurait dû prévoir que Mme de Polignac ne voulait rien d'autre que de faire d'elle un pion pour servir les intérêts de sa famille. Elle aurait dû le comprendre. Épouser le Duc... Non, c'était impossible ! Cet être repoussant qui avait conduit Charlotte au suicide ! Mais alors... Quel autre choix avait-elle ? Mme de Polignac saurait la forcer à donner son consentement. Elle était habile à ce jeu-là. Et Rosalie ne voyait nul bonheur pour la future Duchesse de Guiche.

Il y avait le choix de Charlotte. La mort. Mais Rosalie la rejeta aussitôt sans même considérer les moyens qu'elle pouvait employer pour ne pas imiter en tout point sa soeur. Non, elle ne ferait pas cela ! Elle avait surmonté trop d'épreuves pour que ce soit cette femme qu'elle avait tant haïs qui la pousse à commettre l'irréparable. Son sang n'entâcherait pas la mémoire de Charlotte en réduisant son geste au néant. C'était Charlotte, le martyre innocent, qui par son geste invitait symboliquement Rosalie à ne point céder à Mme de Polignac. Elle devait le faire, mais sans mourir. Il ne lui restait donc plus que le troisième choix, celui de la fuite. S'enfuire de cette demeure. Se réfugier chez Oscar ? Il n'en était pas question. Mme de Polignac la retrouverait. Non, dire adieu pour toujours à la vie qu'elle avait commencé à aimer, celle où l'on ne mourait pas de faim et où l'on pouvait apprendre pour le seul plaisir de savoir, sans être contraint au travail. Elle retournerait à sa vie de misère. Sa décision était prise, à présent. Elle remercia le Ciel de l'avoir conduit de nouveau dans cette demeure dont il serait si facile de s'enfuire. A Versailles, Rosalie aurait couru le risque d'être interceptée par la garde royale. Oscar l'aurait peut-être laissée partir, mais elle aurait très bien pu la raccompagner à ses appartements. A la nuit tombée, Rosalie se faufila hors de la demeure, rompant pour toujours le lien de sang qui l'unissait bien malgré elle à Mme de Polignac.

Non, elle n'était et ne serait jamais une Polignac. Elle était Rosalie Lamorlière, une fille du peuple. Qu'importe le sang bleu qui coulait dans ses veines.


FIN.
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